La circulaire NOR : TERB213292J du 31 décembre 2021 précise les contours du déféré-suspension sur les actes des collectivités territoriales portant gravement atteinte à la laïcité ou à la neutralité des services publiques

 

Comprendre le déféré préfectoral

Le contrôle de légalité des préfets sur les actes des collectivités territoriales n’est pas une nouveauté. Il est notamment prévu aux articles L. 2131-3 et 2131-6 du code général des collectivités territoriales (CGCT), et permet aux représentants de l’État de déférer au tribunal administratif certains actes qu’ils estiment contraires aux règles de droit.

Dans un contexte où le gouvernement français souhaite renforcer le respect des principes de la laïcité et de neutralité, le Parlement a adopté, à l’été 2021, la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. Cette dernière prévoit à son article 5 une modification du déféré préfectoral, en y intégrant la possibilité pour les préfets de saisir le juge administratif dans le cas où un acte serait susceptible de « porter gravement atteinte aux principes de laïcité et de neutralité des services publics ». Une circulaire du 31 décembre 2021 est venue préciser les contours de ce nouveau moyen d’action.

 

En premier lieu, la circulaire rappelle quels sont les actes obligatoirement transmis par les collectivités au préfet, pour que ce dernier puisse en contrôler la légalité.

Il s’agit :

– Des actes relatifs à l’organisation des services publics locaux ;

– Des marchés de services ou des délégations de services publics ;

– Des actes de subventions ou de soutien à des associations ;

– Des actes de recrutement (les arrêtés portant nomination, les contrats de recrutement…).

 

Ensuite, elle mentionne les actes pour lesquels le préfet a la capacité d’effectuer un contrôle de légalité :

– Par le pouvoir d’évocation, les préfets peuvent prendre connaissance d’actes non obligatoirement transmissibles mais dont ils estiment que la légalité doit être contrôlée (information donnée par un administré, la presse, une association…) ;

– Les décisions implicites de rejet ou d’acceptation ;

– Les décisions « révélées », qui n’existent pas matériellement mais qui sont issues de circonstances de faits.

 

Au sein de tout cet arsenal d’actes administratifs obligatoirement ou facultativement transmis aux préfets, si l’un d’eux est susceptible de porter gravement atteinte aux principes de la laïcité et de la neutralité des services publics, il devra être déféré au tribunal administratif.

 

Les moyens d’action en cas d’atteinte grave aux principes de la laïcité et de neutralité

Si le préfet estime qu’un acte administratif porte gravement atteinte aux principes cités, il en demande l’annulation au juge administratif par le truchement du déféré préfectoral.

La circulaire précise qu’en raison des éventuels longs délais que peut revêtir les procédures engagées au fond, la gravité de l’atteinte peut justifier d’assortir le déféré d’une demande de suspension de l’acte en cause. Pour rappel, la suspension paralyse temporairement le caractère exécutoire d’un acte administratif, en attendant que le juge statue sur le fond. Il s’agit d’une situation provisoire, qui n’emporte pas les mêmes effets qu’une annulation.

 

Concrètement, et pour mettre en œuvre ces procédures rapides, le préfet peut fonder son déféré sur l’alinéa 5 de l’article L. 2131-6 du CGCT, à savoir :

Lorsque l’acte attaqué est de nature à compromettre l’exercice d’une liberté publique ou individuelle, ou à porter gravement atteinte aux principes de laïcité et de neutralité des services publics, le président du tribunal administratif ou le magistrat délégué à cet effet en prononce la suspension dans les quarante-huit heures.

 

De la même manière, si l’acte en cause est pris en matière d’urbanisme, de marché ou de délégation de service public, la procédure énoncée à l’alinéa 4 de l’article L. 2131-6 lui est également ouverte :

Jusqu’à ce que le président du tribunal administratif ou le magistrat délégué par lui ait statué, la demande de suspension en matière d’urbanisme, de marchés et de délégation de service public formulée par le représentant de l’Etat dans les dix jours à compter de la réception de l’acte entraîne la suspension de celui-ci. Au terme d’un délai d’un mois à compter de la réception, si le juge des référés n’a pas statué, l’acte redevient exécutoire.

Qu’est-ce qu’une atteinte grave aux principes de la laïcité et de la neutralité ?

La circulaire précise que la notion de gravité de l’atteinte à ces principes est délicate et casuistique. Elle rappelle que, dans tous les cas, le degré de gravité sera apprécié par le juge administratif.

Pour aiguiller les préfets, il est énoncé en annexe que le contrôle doit absolument porter sur la légalité des actes, et non sur leur opportunité. La même annexe comporte une liste de situations qui, par exemple, pourront être contrôlées par les préfets (une collectivité qui ne recruterait que des agents issus d’une communauté en particulier, une délibération tolérant la pratique d’un culte par les agents dans les locaux d’une collectivité…) et être, selon l’issue du contrôle, déférées au tribunal administratif.

 


Lien vers la circulaire :

Circulaire NOR : TERB213292J du 31 décembre 2021 relative au contrôle de légalité des actes portant gravement atteinte aux principes de la laïcité et de neutralité des services publics