L’obligation de neutralité

Il convient de rappeler les règles relatives à l’obligation de neutralité des agents publics, et ce au regard des principes de liberté d’opinion et d’expression.

 

La liberté d’opinion a été affirmée solennellement à l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, qui énonce que :
« nul ne peut être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses […] »La liberté d’expression, quant à elle, est prévue à l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Il dispose que :
« la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ».
C’est un droit constitutionnel et une liberté fondamentale au sens de l’article L521-2 du code de la justice administrative.

 

Le cadre constitutionnel ainsi posé, il convient désormais de confronter ces principes au statut du fonctionnaire. En effet, ces derniers sont soumis aux devoirs de réserve et de neutralité, prévus par la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

 

 

Qu’en est-il de la liberté d’opinion des agents publics ?

La liberté d’opinion étant un principe absolu et applicable à tous les citoyens, elle bénéficie donc également aux fonctionnaires.

Elle est prévue à l’alinéa 5 du préambule de la Constitution de 1946 précise que « Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ces croyances ». De plus, elle est rappelée à l’article 6 de la loi du 13 juillet 1983 précitée, qui dispose que « la liberté d’opinion est garantie aux fonctionnaires ».

Il en découle les solutions jurisprudentielles suivantes :

Les convictions religieuses ou politiques d’un fonctionnaire ne sauraient justifier un rejet de candidature (Conseil d’État, assemblée, 28 mai 1954, « Barel »). Dans cet arrêt, il s’agissait d’un candidat au concours d’entrée à l’École nationale d’administration, qui s’était vu refuser sa candidature en raison de ses convictions politiques communistes.

De même, un dossier d’un fonctionnaire ne peut faire mention des convictions politiques ou religieuses de ce dernier, si bien que l’agent en question est en droit d’en demander la suppression (Conseil d’État, 25 juin 2003, « Calvet »)

En somme, la liberté d’opinion, stricto sensu, est pleinement garantie aux fonctionnaires. Cependant, c’est dans l’expression de ces opinions que l’agent public doit faire preuve de retenue et de neutralité. Cela s’applique tant dans le cadre de l’exécution de son service qu’en dehors de son service.

 

               Qu’en est-il de la liberté d’expression des agents publics ?

Il y a lieu de distinguer la situation de l’agent exerçant dans le cadre de son service de celle en dehors de son service.

 

• Dans l’exécution du service

L’agent public doit agir avec neutralité à l’égard des usagers, de ses collègues et de sa hiérarchie. Ainsi, la liberté d’expression de l’agent est fortement limitée.

En outre, le fonctionnaire doit s’abstenir de toute acte propre à faire douter, non seulement de sa neutralité, mais de son loyalisme envers les institutions (CE, sect, 3 mars 1950, « Delle Jamet »).

Ce devoir de « stricte neutralité […] s’impose à tout agent collaborant à un service public » (CE, 3 mai 1950, « Delle Jamet »).

 

• En dehors du service

Dans ce cadre, la liberté d’expression conserve son statut de principe. Mais il ne faut pas que l’agent utilise ses fonctions ou son statut pour manifester ses croyances religieuses ou politiques.

L’agent en question peut donc :

–          Adhérer à un parti politique

–          Militer dans un groupement d’opposition

–          Se présenter aux élections, etc.

 

 

Cependant, il faut réserver deux cas :

1- Les agents placés à des emplois supérieurs qui restent à la discrétion du gouvernement. Cela concerne principalement l’administration d’État ;

2- Tous les agents peuvent manquer à leur obligation de réserve en manifestant leurs opinions et en conséquence commettre une faute à l’encontre du service auquel ils appartiennent.

Cela peut engendrer des sanctions disciplinaires. Ces sanctions peuvent être diverses, allant du blâme à la révocation (voir pour un sous-préfet révoqué ayant publié sur un site internet des propos critiquant de façon virulente un État étranger (Israël) alors même que cette publication de faisait pas référence aux fonctions de l’intéressé, alors que cet agent était un spécialiste du Proche-Orient (CE, 23 avril 2009, « Guigue », req. n°316862, Lebon).

Ainsi, commettent des fautes disciplinaires :

– Un secrétaire de mairie qui s’est livré à de violentes attaques contre son maire dans la presse locale (CE, 11 juillet 1939, « Ville d’Armentières »)

–  Un policier qui en civil et en dehors du service, a distribué à proximité de son commissariat des tracts critiquant l’action de la police au cours d’une grève (CE, 20 février 1952, « Magnin »)

 

 

 

D’autres exemples :

–          L’utilisation d’une adresse professionnelle d’un agent pour adhérer à des sites de nature cultuelle ou politique

–          Utilisation des fonctions de l’agent pour manifester une appartenance à un culte ou à un parti politique

–          Effectuer une propagande auprès des usagers du service public en faveur d’un parti politique, de croyances philosophiques

–          Tout comportement prosélytique envers des usagers ou des agents publics