La question des cumuls d’activités

 

 

 

 

I/ LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

Un fonctionnaire ou un contractuel doit consacrer l’intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées dans le cadre de son emploi public.

Ainsi, par principe, les agents publics ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit. La violation des dispositions relatives au cumul d’activités donne lieu au reversement des sommes indûment perçues, par voie de retenue sur le traitement. L’agent peut être sanctionné disciplinairement et également faire l’objet des poursuites prévues par le code pénal en cas de prise illégale d’intérêts.

Néanmoins, ce principe de l’exercice exclusif des fonctions est aménagé par une série de dérogations. En effet, l’exercice par l’agent d’activités accessoires, limitativement listées, est autorisé, ainsi que la création ou la reprise d’activité à temps partiel. Le cumul de son emploi avec d’autres activités limitativement énumérées par la loi est possible sur déclaration, autorisation ou librement selon l’activité concernée. L’agent peut également être autorisé à créer ou reprendre une entreprise s’il travaille à temps partiel après avis de la commission de déontologie de la fonction publique. Toutefois, le cumul d’un emploi permanent à temps complet avec un ou plusieurs autres emplois à temps complet est interdit.

 

II/  PRINCIPE : L’INTERDICTION DU CUMUL

La première obligation de l’agent est celle d’effectuer de manière effective son service statutaire sous peine de faire l’objet d’une retenue sur traitement, l’administration devant toutefois préciser les conditions dans lesquelles l’agent doit se tenir à sa disposition pour retenir une absence de service fait.

L’obligation générale de servir du fonctionnaire implique également l’exercice personnel, continu et désintéressé de la fonction. Le fonctionnaire doit assurer effectivement et personnellement son service en respectant les horaires de travail afin d’assurer une continuité du service public. Destiné à lutter contre « la maladie du deuxième métier », l’article 25-1 alinéa 1 du titre 1er dispose que « les fonctionnaires consacrent l’intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées ».

 

Les autorités politiques ont réglementé très tôt le cumul des fonctions. C’est en effet le décret-loi du 29 octobre 1936, abrogé par la loi n° 2007-148 du 2 février 2007, qui posait le principe de l’interdiction des cumuls d’emplois publics et de cumul d’une fonction publique avec des activités privées lucratives.

La loi du 20 avril 2016 sur la déontologie insère un article 25 septies dans le titre 1er du statut général. Cet article réforme le cumul d’activités, notamment en créant deux nouvelles incompatibilités entre d’une part, l’occupation d’un emploi à temps complet ou lorsque l’agent exerce les fonctions à temps plein avec la création ou la reprise de toute entreprise et d’autre part, l’occupation d’un emploi permanent à temps complet avec un ou plusieurs autres emplois permanents à temps complet. Cette réforme augmente la liste des interdictions de cumul et réduit, en sens inverse, le champ des dérogations, c’est-à-dire des activités accessoires autorisées.

En outre, l’administration peut obliger l’agent à reverser les sommes illégalement perçues dans le cadre d’une activité privée pour l’exercice de laquelle il n’a pas demandé d’autorisation (CE, 16 janvier 2006, S : reversement d’environ 175 000 euros perçus par un praticien hospitalier au titre de l’activité libérale de la médecine exercée au sein d’un hôpital).

Dans un arrêt anti-pantouflage, le Conseil d’État a annulé, pour la première fois, un décret du président de la République nommant au poste de sous-gouverneur du Crédit foncier de France un directeur de service au Trésor public qui avait exercé par cette fonction, un contrôle direct sur cet établissement (CE, Ass., 6 décembre 1996, « Société Lambda »). Cette jurisprudence a été appliquée, dans la fonction publique territoriale, à un directeur général des services techniques d’une commune qui ne peut être détaché dans une SA d’HLM avant l’expiration d’un délai de 5 ans suivant la cessation de ses fonctions, car il a été amené à exprimer un avis sur les opérations de cette société (CAA Nantes, 6 décembre 2002,  » Ville de Laval  » ; CE, 30 juillet 2003, « Syndicat national CFTC du personnel des caisses d’épargne et a. »).

 

Il est expressément interdit à tout agent public :

De créer ou de reprendre une entreprise lorsque celle-ci donne lieu à immatriculation au registre du commerce et des sociétés (RCS) ou au répertoire des métiers ou à affiliation au régime prévu à l’article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale, s’il occupe un emploi à temps complet et qu’il exerce ses fonctions à temps plein ;

De participer aux organes de direction de sociétés ou d’associations à but lucratif ;

De donner des consultations, de procéder à des expertises ou de plaider en justice dans les litiges intéressant toute personne publique, le cas échéant devant une juridiction étrangère ou internationale sauf si cette prestation s’exerce au profit d’une personne publique ne relevant pas du secteur concurrentiel ;

De prendre ou de détenir, directement ou par personnes interposées, dans une entreprise soumise au contrôle de l’administration à laquelle il appartient ou en relation avec cette dernière, des intérêts de nature à compromettre son indépendance ;

De cumuler un emploi permanent à temps complet avec un ou plusieurs autres emplois permanents à temps complet.

 

 

III/ L’EXCEPTION AU PRINCIPE

Il existe des exceptions à ce principe de non-cumul.

L’autorisation de cumuler son activité professionnelle publique avec la création ou la production d’œuvres de l’esprit est sans doute le cas de cumul le plus communément admis. Celui-ci ne nécessite ni déclaration, ni autorisation de l’employeur. La seule difficulté est que ces activités doivent respecter les règles de discrétion et de secret professionnels (notamment sur les questions de droit d’auteur).

C’est aussi le cas des activités d’enseignement, ou du personnel technique ou scientifique des établissements d’enseignement ainsi que de ceux pratiquant des activités artistiques qui ont la faculté de cumuler leur activité publique avec des activités d’enseignement ou d’expertise (qui découlent de la nature de leurs fonctions). Ces activités peuvent être exercées à titre libéral.

Les activités bénévoles ne nécessitent pas non plus d’autorisation ou de déclaration. La seule réserve tient aux interdictions générales liées :

A la création ou à la reprise d’entreprise ;

A la participation aux organes de direction de sociétés ou d’associations à but lucratif ;

Aux expertises ou plaidoyers intéressant une personne publique ;

Aux conflits d’intérêts dans une entreprise soumise au contrôle de l’administration ;

Au cumul de plusieurs emplois permanents à temps complet.

Hormis ces cas, les activités accessoires peuvent être exercées en complément de l’activité publique de l’agent mais doivent faire l’objet d’une demande d’autorisation auprès de l’employeur en respectant un certain nombre de règles.

 

IV/ LE CAS DES ACTIVITÉS ACCESSOIRES

Exercer une activité accessoire à côté de son emploi de fonctionnaire ou d’agent public est possible, mais doit rester une exception. C’est en ce sens que l’article 10 du décret du 30 janvier 2020 précise que l’agent peut être autorisé à cumuler une activité accessoire avec son activité principale, sous réserve que cette activité ne porte pas atteinte au fonctionnement normal, à l’indépendance ou à la neutralité du service ou ne mette pas l’intéressé en situation de prise illégale d’intérêts.

Ainsi, un même agent peut être autorisé à exercer plusieurs activités accessoires dans le cadre de ces limites. L’autorité territoriale, sollicitée par l’agent avant le début du cumul d’activités, devra délivrer une autorisation pour qu’il puisse l’exercer.

Les activités exercées à titre accessoire susceptibles d’être autorisées sont listées par l’article 11 du décret du 30 janvier 2020. Cette liste est limitative. Il s’agit des activités suivantes :

Expertise et consultation

• Enseignement et formation

• Activité à caractère sportif ou culturel, y compris encadrement et animation dans les domaines sportif, culturel, ou de l’éducation populaire

 Activité agricole

Activité de conjoint collaborateur au sein d’une entreprise artisanale, commerciale ou libérale,

Aide à domicile à un ascendant, à un descendant, à son conjoint, à son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou à son concubin

Travaux de faible importance réalisés chez des particuliers

• Activité d’intérêt général exercée auprès d’une personne publique ou auprès d’une personne privée à but non lucratif

 Mission d’intérêt public de coopération internationale ou auprès d’organismes d’intérêt général à caractère international ou d’un État étranger

Services à la personne

Ventes de biens fabriqués personnellement par l’agent.

Il est précisé que les activités mentionnées du 1 au 9 peuvent être exercées sous le régime de l’autoentreprise, tandis que celles mentionnées aux numéros 10 et 11 doivent être exercées sous le régime de l’autoentreprise.

L’activité de Vendeur à Domicile Indépendant (VDI) ne fait pas partie des activités susceptibles d’être exercées à titre accessoire par un agent public (Assemblée nationale – Réponse ministérielle du 02 décembre 2008 à la question écrite n° 8226 du 23 octobre 2007).

Tout changement substantiel intervenant dans les conditions d’exercice ou de rémunération de l’activité exercée à titre accessoire par un agent est assimilé à l’exercice d’une nouvelle activité. L’intéressé doit alors adresser une nouvelle demande d’autorisation à l’autorité territoriale.

L’autorité territoriale peut s’opposer à tout moment à la poursuite d’une activité accessoire dont l’exercice a été autorisée, dès lors que l’intérêt du service le justifie, que les informations sur le fondement desquelles l’autorisation a été donnée sont erronées ou que l’activité en cause ne revêt plus un caractère accessoire.

 

V/ LA CRÉATION D’ENTREPRISE

 Selon l’article 25 septies de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, le fonctionnaire qui occupe un emploi à temps complet peut, à sa demande, être autorisé par l’autorité hiérarchique dont il relève à accomplir un service à temps partiel pour créer ou reprendre une entreprise et à exercer, à ce titre, une activité privée lucrative.

L’autorisation d’accomplir un service à temps partiel, qui ne peut être inférieur au mi-temps, est accordée, sous réserve des nécessités de la continuité et du fonctionnement du service et compte tenu des possibilités d’aménagement de l’organisation du travail, pour une durée maximale de trois ans, renouvelable pour une durée d’un an, à compter de la création ou de la reprise de cette entreprise.

L’article 16 du décret du 30 janvier 2020 énonce que l’agent qui se propose de créer ou de reprendre une entreprise ou une activité libérale doit adresser à l’autorité hiérarchique dont il relève une demande écrite d’autorisation à accomplir un service à temps partiel.

L’autorité hiérarchique doit également se prononcer sur la compatibilité de l’entreprise créée ou reprise et les fonctions exercées par l’agent au sein de l’administration. Si elle a un doute sérieux, quant à cette compatibilité, elle peut saisir le référent déontologue (article 25 septies III de la loi du 13 juillet 1983). Si le doute persiste, elle peut alors saisir la Haute autorité pour la transparence de la vie publique.

 

VI/ LA PROCÉDURE DE DEMANDE DE CUMUL

 

Cumul avec activité accessoire

Le cumul d’une activité exercée à titre accessoire avec une activité exercée à titre principal est subordonné à la délivrance d’une autorisation par l’autorité territoriale dont relève l’agent intéressé.

A cet effet, l’agent intéressé adresse à l’autorité territoriale dont il relève, qui lui en accuse réception, une demande écrite qui comprend les informations suivantes :

• Identité de l’employeur ou nature de l’organisme pour le compte duquel s’exercera l’activité envisagée ;

• Nature, durée, périodicité et conditions de rémunération de l’activité.

Toute autre information de nature à éclairer l’autorité territoriale sur l’activité accessoire envisagée peut figurer dans cette demande à l’initiative de l’agent. L’autorité territoriale peut demander à l’agent des informations complémentaires. L’autorité territoriale notifie sa décision dans un délai d’un mois à compter de la réception de la demande. En outre, la décision de l’autorité territoriale autorisant l’exercice d’une activité accessoire peut comporter des réserves et recommandations visant à assurer le respect des obligations déontologiques, ainsi que le fonctionnement normal du service.

Lorsque l’autorité compétente estime ne pas disposer de toutes les informations lui permettant de statuer sur la demande, elle invite l’intéressé à la compléter dans un délai maximum de quinze jours à compter de la réception de sa demande. Le délai d’un mois de notification de la décision est alors porté à deux mois.

En l’absence de décision expresse écrite dans le délai de réponse réglementaire, la demande d’autorisation d’exercer l’activité accessoire est réputée rejetée.

 

Création d’entreprise

Les conditions à respecter sont les suivantes :

• Autorisation de travail à temps partiel inférieur ou égal à 70% qui ne peut être inférieur à 50% ;

• Avis favorable de l’autorité hiérarchique.

Ainsi, l’agent doit effectuer une demande de travail à temps partiel en vue de la création d’une entreprise (et non pour convenances personnelles car le régime de l’autorisation n’est pas le même). En cas d’accord de la commission de déontologie, l’autorisation est accordée au maximum pour 3 ans, renouvelable pour une durée d’un an (après dépôt d’une nouvelle demande d’autorisation d’exercer à temps partiel), à compter de la création de l’entreprise.

La demande d’autorisation de travail à temps partiel doit donc préciser qu’elle est formulée en vue de la création d’une entreprise. L’autorité hiérarchique de l’agent se prononce sur la demande d’autorisation de travail à temps partiel, ainsi que sur la compatibilité de l’activité de l’entreprise et les missions exercées par l’agent au sein de l’administration, au cours des trois dernières années (Article 25 octies de la loi de 1983 et 16 et suivants du décret du 30 janvier 2020). Le fonctionnaire ne respectant pas l’avis d’incompatibilité ou de compatibilité avec réserves émis par la Commission peut faire l’objet de sanctions disciplinaires.

 

 


Liens utiles

Décret n°2020-69 du 30 janvier 2020 relatif aux contrôles déontologiques dans la fonction publique

Loi du 13 juillet 1983 (voir notamment l’article 25 septies)

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