Le devoir d’obéissance et le devoir de désobéissance

 

 

 

I/ LE  PRINCIPE DU DEVOIR D’OBÉISSANCE

Selon l’article 28 de la loi du 13 juillet 1983, un agent public doit se conformer aux instructions de son supérieur, quel que soit son rang dans la hiérarchie. Ce devoir d’obéissance repose sur le principe hiérarchique sur lequel est fondée l’organisation de l’administration. Il implique que les agents publics, titulaires et contractuels, respectent les ordres qui émanent non seulement de leurs supérieurs, mais également des différentes sources de légalité que sont la Constitution, les lois, les règlements, les instructions ou les notes de service.

 « Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l’exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. Il n’est dégagé d’aucune des responsabilités qui lui incombent par la responsabilité propre de ses subordonnés. »

 

Ces dispositions s’appliquent également aux agents contractuels (voir article 32 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983) et sont reprises à l’article 1-1 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale : il est mentionné ici que l’agent contractuel doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf si l’ordre donné est manifestement illégal et compromet gravement un intérêt public.

 

II/ L’EXCEPTION AU PRINCIPE DE DEVOIR D’OBÉISSANCE

Par principe, le refus d’obéissance hiérarchique constitue donc une faute professionnelle. Néanmoins, il y a des exceptions à ce devoir dans les cas où l’ordre donné est illégal et de nature à compromettre gravement l’intérêt public.

Par conséquent, l’agent public garde une certaine marge d’appréciation sur les moyens à mettre en œuvre et sur les objectifs poursuivis dans ses fonctions. L’agent dispose donc de ce qu’on peut appeler « un devoir de désobéissance ».
En ce sens, le Conseil d’État, par un arrêt du 10 novembre 1944, « Sieur Langneur », a reconnu un devoir de désobéissance, mais également une faute disciplinaire en cas de refus. Cet arrêt inaugure le devoir de désobéissance dans des conditions assez strictes, le Conseil d’État reconnaissant un fonctionnaire auteur de malversations commises sur ordre hiérarchique comme responsable de ses actes dont il n’avait pu ignorer qu’ils compromettaient gravement le fonctionnement du service public.

 

Pour agir légitimement dans le cadre du « devoir de désobéissance », il faut que l’ordre réponde à deux conditions cumulatives :

•  L’ordre doit être manifestement illégal ;

• L’ordre doit être de nature à compromettre gravement un intérêt public.

 

C’est ce qui ressort par exemple d’une décision rendue par la cour administrative d’appel de Lyon du 24 octobre 2017 (CAA Lyon, 24 octobre 2017, n° 16LY00300, « M. B c/ Syndicat mixte du Lac d’Annecy »).
Dans cet arrêt, la Cour administrative d’appel de Lyon précise bien que l’illégalité de l’ordre ne suffit pas à légitimer le refus d’obéissance. En effet, il faut également qu’il soit de nature à compromettre gravement un intérêt public (c’est également ce que rappelle la cour administrative de Versailles dans son arrêt du 15 mars 2018, « Commune de Garges-Lès-Gonesse », n° 16VE03904).
A contrario, un agent public devrait donc obéir à un ordre qui ne serait que « manifestement illégal » dès lors que cet ordre ne compromettrait pas gravement un intérêt public. En réalité, il faut également différencier les ordres manifestement illégaux et les simples irrégularités.

Par ailleurs, un agent public peut être exonéré de sa responsabilité pour avoir exécuté un ordre manifestement illégal émanant de sa hiérarchie sur la base de l’article 122-4 alinéa 2 du code pénal. Cependant il faut que cet ordre ait eu toute l’apparence d’un ordre légal.

 

Article 122-4 du code pénal :

« N’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires.

N’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l’autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal. »

 

En dehors de ces cas, le principe hiérarchique prévaut sur le principe de légalité, sauf lorsque sont en cause les prérogatives ou le statut des fonctionnaires. Ainsi, le Conseil d’État, dans un arrêt du 29 septembre 1961 (« Demoiselle Gander et Association nationale des assistantes sociales »), estime que « les fonctionnaires n’ont pas qualité pour attaquer les ordres ou instructions de leurs supérieurs hiérarchiques intéressant l’exécution du service qu’ils sont chargés d’assurer, sauf dans la mesure où lesdites ordres ou instructions porteraient atteinte à leurs prérogatives ou mettraient en cause l’application de leur statut ».

Les cas dans lesquels le juge reconnait le bien-fondé du refus d’obéissance sont assez rares. En effet, alors même que ce « devoir de désobéissance » est apparu en jurisprudence dès 1944 avec la décision Langneur, son admission par le juge administratif demeure difficile. Si ce dernier regarde parfois comme disproportionnée une sanction pour refus d’obéissance, il reste de manière générale très attaché au respect de l’ordre donné par le supérieur hiérarchique. D’ailleurs l’analyse de la jurisprudence met en évidence que l’intérêt public ne se confond pas avec les intérêts de l’agent.

 

III/ CONSÉQUENCES DU NON-RESPECT DU DEVOIR D’OBÉISSANCE

Le fait pour un agent public de ne pas obéir à un ordre qui était en fait légal lui fait courir le risque de sanctions disciplinaires. En effet, le non-respect d’un ordre hiérarchique peut avoir deux conséquences :

La retenue sur traitement ;

La sanction disciplinaire.